Août 2003 : onze jours au Japon

Une aventure de KDur (カヅル), Kris (クリス), Wololo (ヲロロ) et Atvaark (アトヴァルック)
narrée par Atvaark.

Dimanche 17 août, 2h45 (heure du Japon).

Le grondement des réacteurs et le bruit clair de l'air enveloppent l'Airbus 340. Nous sommes partis depuis un peu plus de quatre heures ; l'écran indique qu'il reste 7h34 avant notre arrivée à Narita. Le même écran m'apprend que nous survolons les monts de l'Oural. Il fait – 50°C à l'extérieur. Il fait froid aussi dans la cabine. Je vais mettre la couverture fournie par la Lufthansa et essayer de dormir, afin de commencer à absorber le décalage horaire (sept heures).

Beaucoup de gens dorment ou en ont l'air. La plupart sont japonais, alors on se croirait déjà un peu arrivé. Je vais fermer les yeux et penser à Tōkyō, la calme musique de Joe Hisaishi dans les écouteurs. Calme, pour compenser l'excitation. Nous allons au Japon !

21h35. Tōkyō (東京).

Wololo lit un Anime Land apporté de France. Il s'exclame à propos d'un DVD : « Ah ouais, mais c'est dispo qu'au Japon. »

KDur est le seul à tilter et remarque : « Mais on est au Japon ! »

Eh oui, on a encore du mal à s'y faire, mais on vient de passer une journée à Tōkyō, et là, j'écris ces lignes allongé sur un futon posé sur un sol de tatamis, à côté de ceux de mes trois comparses.

Wololo, donc, lit Anime Land le long d'une baie de fenêtres traditionnelles (papier collé sur des motifs de bois) donnant sur la rue — d'où lumière et bruit, mais bon… l'endroit est tellement pittoresque. Surprise plus ou moins agréable : les murs s'arrêtent avant le plafond et laissent percevoir lumière et sons de la chambre voisine.

KDur, lui, est allé se doucher (salle de bain japonaise : c'est la pièce entière qui fait office de réceptacle de douche).

Quant à Kris, il est tombé de sommeil, tout habillé.

Il faut dire qu'on est tous crevés : treize heures d'avion, sept de décalage horaire, peu de sommeil avant de partir, et déjà une journée riche en explorations : train, métro, beaucoup de marche, premiers ramen du séjour, premiers échanges (difficiles) en japonais, découverte de Harajuku et ses adolescentes excentriques, des enseignes de Shibuya, de l'université de Tōkyō (Tōkyō Daigaku, alias Tōdai) et par la même occasion de l'amabilité des Japonais : une dame nous a spontanément guidés jusqu'à Tōdai, soit dix bonnes minutes de marche.

Je suis fatigué. Il est 15h à Paris. Mais nous sommes au Japon !

* ramen (ラメン)
Nouilles chinoises (à base de froment) servies en soupe.
Les fenêtres en papier diffusent la lumière des réverbères
Les fenêtres en papier diffusent la lumière des réverbères
Harajuku (原宿), où viennent se faire remarquer les adolescentes
Harajuku (原宿), où viennent se faire remarquer les adolescentes
Lundi 18 août, 15h20.

Petite pause dans le parc Hibiya. L'air est chaud et humide, le ciel couvert. Il suffit de fermer les yeux pour s'endormir. Ce que nous venons tous de tester.

Ce matin, nous avons vu le temple Senso-ji et la fabuleuse rue marchande qui y conduit. Nous sommes passés à Ginza : gratte-ciels et luxe, avec les loyers les plus chers du Japon. Déjeuner dans un restaurant typique près de la gare (la bière en quantité a-t-elle contribué à notre assoupissement ? En tout cas, c'est elle qui a poussé Wololo à dire, à la fin de notre repas : « Je crois que je vais pas pouvoir partir tout-de-suite-tout-de-suite… »). Après avoir contourné le palais impérial, nous voilà au parc Hibiya qui côtoie les immeubles des différents ministères.

Quand chacun sera réveillé, direction : Shinjuku !

Encensoir à l'entrée du temple Senso-ji (浅草時)
Encensoir à l'entrée du temple Senso-ji (浅草時)
Miam miam !
Miam miam !
Mardi 19 août, 0h15.

Shinjuku illustre le mieux la démesure du Japon. C'est une ville dans la ville, une ville de gratte-ciels et de néons, d'exubérance, de bruit, de dictature des loisirs.

On a beaucoup marché dans cette saturation de stimuli visuels et auditifs, du Tōkyō Metropolitan Government Office (hôtel de ville, avec observatoire au 45e étage) à l'est du quartier où l'on se fait aborder tous les dix mètres pour se voir proposé de rencontrer des filles. En passant bien sûr par ces canyons de néons où fleurissent grands magasins, salles de jeux vidéo et de pachinko, écrans géants en façades (ou façaces géantes en écrans ?)… Après une bonne usure des pieds, dîner dans un bar à sushis.

C'est rassurant de revenir du Tōkyō-néon des cartes postales au Tōkyō beaucoup plus vrai où se situe notre ryōkan. J'écris à la lueur des lumières de la rue qui traversent le papier des fenêtres. Wololo et KDur dorment déjà. Essayons des les imiter…

* pachinko
Jeu d'argent déguisé où une bille suit un parcours aléatoire.
* ryōkan
Hébergement de style traditionnel où l'on dort sur des futons (matelas fins) posés sur des tatamis (paille de riz tressée).
Le Tōkyō Metropolitan Government Office (hôtel de ville)
Le Tōkyō Metropolitan Government Office (hôtel de ville)
Vue de Tōkyō depuis l'observatoire du Metropolitan Government Office
Vue de Tōkyō depuis l'observatoire du Metropolitan Government Office
Le train devant des panneaux publicitaires, à Shinjuku
Le train devant des panneaux publicitaires, à Shinjuku
Mercredi 20 août, 0h55.

Les journées hallucinantes s'enchaînent… Ce matin, lever tôt pour aller au marché aux poissons de Tsukiji, le plus grand au monde. L'activité, même à 9h30, y est intense (tout commence vers 5h). Chariots motorisés et manuels manquent de nous renverser chaque seconde. On se sent un peu gêné, occidental prenant des photos au milieu de cette masse de travailleurs japonais (qui semblent pourtant plutôt indifférents à notre égard).

Promenade dans les rues commerçantes environnantes : poisson frais et séché, herbes, épices, matériel de cuisine, restaurants… On mange un bol de sushis, très bons.

Après-midi : on commence par le Tōkyō National Museum (avec un tour involontaire du parc d'Ueno en prime… pour ce qui est du sens de l'orientation, ma crédibilité en aura pris un coup). Art japonais : Kris et moi semblons bien plus apprécier que KDur et Wololo (« J'ai bien aimé les sabres et les armures, mais l'art, ça me fait chier. » — KDur).

Métro direction Akihabara « Electric Town ». Encore une fois, tout est fait dans l'excès dans la mégalopole tōkyōïte, même si après réflexion il semble si évident que se regroupent au même endroit ces magasins à la Blade Runner qui sont le paradis des bricoleurs, nerds, geeks et autres otakus. Petit tour en prime chez Gamers, 8 niveaux de manga et d'anime. À la longue, les « irashaimase » de bienvenue lancés systématiquement par les vendeurs peuvent se montrer un brin énervants.

Pour finir la journée : Roppongi. C'est assez navrant, mais c'est aussi Tōkyō : une énorme concentration de boîtes à strip-teaseuses et, tous les dix mètres, un rabatteur black qui vous aborde par un « topless » ou un « Japanese girls ». Beaucoup d'occidentaux dans le quartier. À éviter.

On s'est d'ailleurs laissé embarquer dans un de ces trucs en cherchant un bar normal, mais on a vite compris, tout comme le gars à l'entrée (sixième étage d'un building, pas spécialement la situation où on n'a qu'à tourner les talons pour dire au revoir), qu'on ne serait pas bons clients. Wololo a eu son expérience-de-début-d'arnaque et il était tout content, alors bon, tout va bien, même si je me serais bien passé de l'épisode consistant à se faire reconduire du 6e au 1er étage en passant par le 7e… Simple erreur de notre rabatteur, mais KDur et moi on n'était pas rassurés.

Il nous reste une journée à Tōkyō. La soirée de demain se fera dans un bar correct !

KDur joue aux jeux de l'été du Monde (récupéré dans l'avion il y a — déjà ! — trois jours). Kris se douche, Wololo dort, et je vais refermer ce carnet pour en faire de même.

* otaku
Littéralement « demeure », pour parler de gens qui restent cloîtrés chez eux pour s'adonner à leur passion (manga, jeux vidéo, etc.) au détriment de tout contact social.
Le marché de Tsukiji
Le marché de Tsukiji
Le parc Hama-Rikyū
Le parc Hama-Rikyū
Dans les dédales high-tech d'Akihabara
Dans les dédales high-tech d'Akihabara
23h30.

On revient du bar GASPANIC à Ginza [réflexion faite en tapant ce texte, c'était à Shibuya], accompagnés d'une demoiselle à la conversation fort sympathique, qui étudie l'anglais. Bon, il vaut mieux revenir sur la journée. On s'est levé à 10h, on est parti du ryōkan à 11h. Mais qu'est-ce qu'on a fait ensuite ? (Il faut que je précise qu'on est vraiment dans le métro. Il y a beaucoup de gens autour de nous, et on a l'air vraiment pitoyable, éméchés comme on est. Enfin j'imagine.) Je ne sais plus ce qu'on a fait aujourd'hui. Ah si, Sony Building. À Ginza. Puis la Tōkyō Tower, et une partie de DDR. Après quelques péripéties, retour à Shibuya où on a mangé le midi dans une authentique crêperie bretonne (ben oui), où on a changé nos Japan Rail Passes et réservé nos billets de train pour la suite du voyage. On a vu la fameuse statue de Hachiko, le chien qui aurait attendu à la sortie de la gare jusqu'à sa propre mort son maître décédé.

On est entré dans ce bar super sympa, le GASPANIC, on a bu, on a dit des trucs, et voilà. Wololo se fout de ma gueule pasque je gère plus rien (n'empêche que j'écris ça), alors hop, stop, et oualà ! Fin de la transmission. Over and out.

La Tōkyō Tower
La Tōkyō Tower
* DDR
Abbréviation de Dance Dance Revolution, célèbre jeu d'arcade où l'on doit « danser » en plaçant ses pieds selon les instructions affichées à l'écran.
Partie de Dance Dance Revolution
Partie de Dance Dance Revolution
Passage piétons à Shibuya
Passage piétons à Shibuya
Retour difficile en métro…
Retour difficile en métro…
Jeudi 21 août, 18h05. Kiso-Fukushima.

Tout le monde n'était pas très frais ce matin, mais suffisamment pour se traîner jusqu'à la gare de Shinjuku. Départ à midi pour Shiojiri par le Super Azusa Limited Express. Les trains japonais sont très spacieux. À Shiojiri, on prend un autre train à 14h45 pour Kiso-Fukushima, petite ville des Alpes japonaises. Arrivée 15h12. Première constatation : les touristes occidentaux doivent être rares, très rares dans la région. On nous regarde comme des bêtes curieuses. Aucune inscription n'est en romanji. Tout est en kanji, et ce n'est pas la trentaine qu'on connaît qui va nous aider (même si KDur en connaît plus). Par ailleurs, personne ne parle ne serait-ce qu'un mot d'anglais. Cela dit, comme toujours depuis le début du voyage, les gens sont accueillants et prêts à nous aider.

Problème de lecture de l'horaire des bus : quels sont les kanji de Obara-ue ?
Problème de lecture de l'horaire des bus : quels sont les kanji de Obara-ue ?
19h05.

Après un bol d'udon pris près de la gare, nous parvenons à trouver le bon bus pour rejoindre l'auberge de jeunesse. L'endroit est un minuscule village à flanc de colline, traversé par un torrent. C'est presque idyllique. Petit problème : l'auberge est fermée. KDur parvient à nouer le contact avec une habitante qui fait ouvrir l'auberge en attendant que vienne la responsable. Apparemment, la réservation n'avait pas été prise en compte, mais qu'à cela ne tienne, après moult excuses on nous donne une chambre. Il y a des papiers à remplir, la communication est difficile, mais on finit à peu près par se comprendre. Il semble que nous soyons les seuls dans l'auberge, même si nous n'en sommes par encore sûrs (ont-ils ouvert l'auberge juste pour nous ?).

En montagne, la nuit tombe très rapidement, et avant que l'on s'en rende compte, on se retrouve sans avoir dîné dans un coin paumé où les rues n'ont pas d'éclairage électrique, et où trouver un restaurant relèverait du miracle.

Demain, un dîner nous sera servi à l'auberge, mais pour ce soir on a prévenu trop tard. Alors qu'on commençait à envisager de manger tout et n'importe quoi (même un Totoro) en le faisant chauffer sur le siège chauffant des WC, on entend un « o-cha o dôzo » retentir du rez-de-chaussée. Le thé était accompagné de diverses choses à manger, dont des oyaki, des pains fourrés à je-ne-sais-pas-trop-quoi (champignons ? blettes ?), sucrés-salés. La réputation de l'hospitalité japonaise n'est plus à faire.

On est tous un peu tendus et fatigués, alors les fous-rires s'enchaînent. Ce doit être un peu vexant pour nos hôtes s'ils nous entendent, mais on n'y peut rien. Là, Wololo et Kris jouent à l'Othello dans la grande salle de ce qui est le croisement entre un chalet de montagne et une maison japonaise traditionnelle.

Ce sentiment d'être retiré au bout du monde dans un endroit paisible et isolé est incroyablement reposant, après la folie urbaine de Tōkyō. (S'il n'y avait pas ces insectes qui mordent jusqu'au sang, ce serait quand même mieux.)

* udon
Nouilles très épaisses à base de froment (espèce de très gros spaghettis).
Dans le bus vers l'auberge de jeunesse
Dans le bus vers l'auberge de jeunesse
Petite partie d'Othello à l'auberge
Petite partie d'Othello à l'auberge
Vendredi 22 août, 20h30.

Nous venons de déguster un véritable repas japonais préparé par notre hôte, et par nous-mêmes et les autres habitants de la demeure, puisqu'il s'agit d'une fondue japonaise (shabushabu ou suki-yaki, on n'est pas trop sûr). Les trois japonais nous ont aimablement aidés à déguster ce repas succulent et fort copieux. Notre estime pour la cuisine japonaise a subitement gravi quelques échelons. L'hospitalité est parfaite, comme toujours, et c'en est presque gênant par moments, car on ne sait pas si nos remerciements sont appropriés.

Ce matin, nous sommes allés en train aux gorges de Nezame-no-toko, à Agematsu dans la vallée de Kiso. L'endroit est paradisiaque et semble assez touristique, mais à cette saison nous avons été assez tranquilles. Le temps était parfait, ciel bleu et soleil, 30°C à l'ombre. (Quelques coups de soleil, d'ailleurs.) L'eau de la rivière Kiso coule, couleur turquoise, entre de grands rochers blancs érodés frappés par le soleil. On trouve un endroit où se tremper les pieds dans l'eau glacée. Enfin, sauf KDur, décidé à traverser à gué pour rejoindre la forêt de l'autre côté (vu que depuis quelque temps, il est persuadé d'être la réincarnation de Totoro). La traversée, cependant, connut une sévère entrave lorsqu'une des pattes du Totoro glissa sur un rocher moussu, propulsant la pauvre bête dans les rapides. On l'a recueillie un peu plus loin en caleçon détrempé. En bonne santé.

Le midi, on a mangé quelques soba. KDur s'est mis en tête de trouver de la Yebisu, la bière de Misato dans Evangelion. D'ailleurs, parlons un peu des boissons au Japon. On trouve à tous les coins de rue, même dans les endroits les plus reculés, des distributeurs de boissons en canettes ou bouteilles plastiques. Et la variété est énorme par rapport au choix qu'on a en France. Il y a thé normal, thé vert, thé Oolong (plus ou moins apprécié dans notre petit groupe, parfois qualifié de jus de marc de café), café, avec ou sans lait, avec ou sans sucre, diverses boissons aux fruits (par exemple au melon, avec un goût évident de banane Haribo) gazeuses ou non, citronades, energy drinks, et trucs bizarres écrits tout en kanji, dont on ne devine pas la nature. Bref, KDur n'a pourtant pas trouvé sa Yebisu dans un distributeur mais dans un magasin d'alimentation. Verdict pour la Yebisu brune : « Ben c'est à peine mieux que la Kro. »

Plus que jamais, on nous regarde (discrètement) comme des extra-terrestres, mais les gens avec qui l'on parle nous témoignent tous la plus grande sympathie. Peut-être parce qu'on ne leur parle pas en anglais.

Nous vaquons à nos occupations (rédaction de cartes postales pour KDur, repos pour Wololo, lecture pour Kris, et journal de bord en ce qui me concerne), couchés sur nos futons, au bruit des cigales (omniprésent partout où nous sommes allés) et du torrent.

* soba
Nouilles fines à base de sarrasin.
Jardin japonais dans les gorges de Nezame-no-toko
Jardin japonais dans les gorges de Nezame-no-toko
Les gorges de Nezame-no-toko à Agematsu (rivière Kiso 木曽)
Les gorges de Nezame-no-toko à Agematsu (rivière Kiso 木曽)
Samedi 23 août 2003, 14h10.

Le Shinkansen file entre Nagoya et Kyōto. Je n'ai jamais vu autant de place dans un train en voiture « ordinaire ». On peut s'affaler sur son siège et étendre les jambes sans presque atteindre le siège de devant. Hier soir, nous avons bu le thé avec nos hôtes et un autre client de l'auberge. Nous avons discuté pendant des heures malgré notre faible niveau de japonais. C'était extrêmement réjouissant et enrichissant. Ce matin, sans que nous l'ayons commandé, un petit déjeuner japonais nous a été offert. Un vrai petit repas avec omelette, riz, crudités, thé… Cela nous a mis en retard, du coup nous avons à peine eu le temps de remercier avant d'attraper notre bus de justesse. Notre départ pour Kyōto étant prévu vers midi, nous avons décidé de passer la matinée à Narai, un ancien relais de poste de l'ère Edo sur la liaison Edo-Kyōto (Edo est l'ancien nom de Tōkyō). Nous n'avons pas tout compris au fonctionnement des portes du train, du coup nous sommes descendus à l'arrêt après Narai, heureusement seulement deux kilomètres plus loin. Un peu de marche en fond de vallée avec nos valises (à l'arrière d'une estafette qui nous double, des écoliers font de grands gestes pour nous saluer), et nous voilà dans le beau petit village de Narai, certes très touristique mais vraiment typique et préservé, avec ses maisons de bois traditionnelles flanquées de vieux pins tortueux. Nous avons laissé nos bagages le long du mur de la gare pour nous promener : qui ici penserait à nous les voler ?

J'arrête ici, car notre Shinkansen arrive à Kyōto.

* Shinkansen
Train à grande vitesse japonais.
Un peu de marche après avoir raté la gare de Narai
Un peu de marche après avoir raté la gare de Narai
Rue principale de Narai
Rue principale de Narai
21h25. Kyōto (京都).

Première impression en sortant du train climatisé : il fait chaud, très chaud, et humide, très humide. La gare de Kyōto, très récente (et impressionnante) est une grande serre. On retire de l'argent à la Kyōto Tower dans un des rares ATM (distributeurs de billets) acceptant les cartes internationales. La Kyōto Tower est du même acabit que la Fernsehturm de Berlin, en moins bien. Kyōto semble loin des images que j'en avais, celles des temples et des maisons en bois du quartier de Gion. En dehors de ces vieux quartiers, Kyōto est une métropole moderne d'une des premières puissances économiques au monde. Elle est majoritairement faite d'immeubles, mais sans l'exubérance tōkyōïte, ce qui lui donne un caractère plus « provincial ». De plus, la construction de Kyōto a été planifiée (quadrillage régulier d'avenues perpendiculaires), ce qui donne à la ville son unité, contrairement à Tōkyō qui ressemble plutôt à un agglomérat de villes un peu anarchique.

Notre ryōkan, le Riverside Takase, est « fermé », mais un mot nous invite à prendre possession de notre chambre. Il s'agit d'une maison traditionnelle en bois située au bord d'une minuscule rivière en pleine ville. La chambre est très bien, semble calme, et surtout est équipée de la climatisation (nous sommes tous en nage d'avoir porté nos affaires depuis la gare). KDur s'insurge contre la télé payante (100 ¥ / 2 h), ce qui ne l'empêche pas de la regarder en ce moment (depuis le temps qu'il attendait de voir la télé japonaise). Le midi, nous avons mangé dans un bar à sushis. Nous sommes ensuite retournés en métro à la gare pour y avoir les horaires des bus qui nous conduiraient le lendemain à Hirogawara (mais j'y reviendrai, enfin j'espère, si nous parvenons à y aller).

Nous avons exploré la gare de Kyōto, gigantesque. Des escalators sans fin nous ont conduits à une plate-forme d'observation en surplomb de la ville. Nous avons traîné assis à manger des « crêpes » chez Monsieur Crêpe (en français sur l'enseigne) en attendant le début d'une représentation publique de théâtre Nô. Mais quand nous sommes retournés pour le début du spectacle, il n'y avait plus de place. Tant pis pour Nô.

Après une douche qui n'a pas rafraîchi grand chose, je vais marcher un peu dans le quartier.

La Kyōto Tower, plutôt insipide
La Kyōto Tower, plutôt insipide
Alignement de distributeurs de boissons
Alignement de distributeurs de boissons
Terrasses de restaurants sur pilotis
Terrasses de restaurants sur pilotis
Dimanche 24 août, 14h50. Bus Kyōto-Hirogawara.

C'est bien parti pour Hirogawara : nous sommes dans le bus qui y conduit. Les bus japonais sont vieillots en apparence, possèdent peu de places assises, mais sont équipés d'un affichage digital du nom des stations (en kanji), d'un système pratique permettant de payer à la descente en fonction de la distance parcourue, d'une voix enregistrée annonçant les arrêts et, comble du luxe, de la climatisation. En associant les annonces vocales à l'affichage, nous apprenons les prononciations de quelques kanji.

Ce matin, nous avons visité quelques temples de Kyōto. Ce midi, nous avons mangé dans une sorte de bar branché pour étudiants (presque désert), décor en bois avec de vieilles bibliothèques, photos et affiches. Un peu douteux, mais c'est sans doute une idée (on y est allé sur conseil d'un de nos guides touristiques). On a bu chacun une Yebisu blonde. Attention : au Japon, quand on demande une bière en bouteille, c'est plus d'un demi-litre. Donc on a tous bien bu. (À l'avenir, prendre une bouteille pour deux.)

Le bus semble bloqué dans son ascension des montagnes du nord de Kyōto, pour une raison qui nous a été annoncée en japonais… donc indéterminée. Ah, c'est reparti. Et je comprends pourquoi on est régulièrement bloqué : la route, qui borde un torrent en contrebas, est trop étroite pour se croiser.

Nous traversons un petit village plein de charme, entouré de forêts de pins à la ramure très haute et aux troncs dénudés, où un occidental est probablement aussi rare qu'un Japonais dans un petit village de montagne corse.

Temple à Kyōto près de Higashiyama
Temple à Kyōto près de Higashiyama
Lundi 25 août, 7h35. Bus Hirogawara-Kyōto.

Nous venons sans doute de passer le moment le plus magique de notre voyage. Hier après-midi, arrivés à Hirogawara, nous nous retrouvons en pleine montagne : une route et quelques maisons autour, un torrent et des nuages menaçants. Nous n'avons pas pris de quoi manger, et ne savons pas où nous allons dormir. À la recherche d'un restaurant, nous tombons sur un chaleureux coffee shop où l'on retrouve le chauffeur du bus. Nous prenons quatre chocolats chauds (alors qu'il fait au moins 25°C, mais psychologiquement, nous avons besoin du réconfort que représente une boisson chaude… car nous savons que la soirée et la nuit risquent d'être particulièrement rudes) et, ô miracle, la patronne nous offre une boîte de chez Mister Donut ! (Chaîne où nous avons pris tous nos petits déjeuners à Tōkyō. Pour nous, tout un symbole. Mister Donut, ici, dans la montagne perdue où même les distributeurs de boissons sont introuvables, c'est forcément un signe, qui nous pousse à continuer.) Nous marchons jusqu'au lieu de la fête plus bas dans la vallée, où un gigantesque tronc de cryptomère est déjà dressé au milieu d'un grand terrain dénudé, en lisière de forêt. Des spectateurs et photographes sont déjà installés, mais la fête ne commence que dans plusieurs heures. Nous attendons un peu à l'écart, assaillis par ces insectes qui piquent à faire jaillir le sang. Le décor est somptueux : quelques maisons et de la montagne boisée à perte de vue.

Plus tard, nous rejoignons les autres spectateurs. Certains nous demandent d'où nous venons. Ils nous parlent de la canicule en France, et comme nous n'avons pas suivi les nouvelles depuis une semaine, nous nous demandons si la situation est devenue critique au point que l'information soit arrivée si loin.

La nuit est tombée et plusieurs centaines de personnes sont rassemblées derrière le filin de sécurité.

Tronc de cryptomère qui sera enflammé lors du festival
Tronc de cryptomère qui sera enflammé lors du festival
14h05. Kyōto.

(Suite de l'histoire…)

Un grand feu est dressé près du tronc. Au bout d'un moment, un tambour très lent rythme l'allumage de centaines de torches densément dispersées sur le grand terrain. Rapidement, leurs lueurs combinées illuminent de façon magique les branchages des sapins à l'orée de la forêt, et la fumée éclairée donne à l'atmosphère une densité onirique, accentuée par le rythme lent des deux percussions. Derrière ce ciel bas et lumineux se dessine la silhouette des montagnes alentour, noire sur fond de nuit.

Quand tous les flambeaux sont allumés, les participants costumés (des hommes jeunes pour la plupart) allument leurs torches constituées d'un fagot de bois accroché à une ficelle, de manière à pouvoir les utiliser comme des frondes. Alors, chacun fait tournoyer sa torche pour la propulser au sommet du tronc où est aménagée une plate-forme inflammable. Rapidement, quelqu'un y parvient sous les acclamations de la foule. Tous lancent leur projectile enflammé en même temps et en tout lieu, et on se demande comment aucun n'est blessé, car les flammes fusent dans tous les sens. Plusieurs autres parviennent bientôt à atteindre le sommet ; un lancer raté atterrit dans la foule des spectateurs, sans dommage. Quand le sommet du tronc commence à parsemer le sol de ses braises, deux hommes se mettent sous cette pluie de feu pour abattre le tronc, qui s'écrase par terre dans un nuage de feu. Le brasier est alors ravivé et commencent des joutes où deux équipes courent vers les flammes en portant un tronc assez fin à la manière d'un bélier, qu'ils piquent dans le feu puis soulèvent pour propulser en l'air un essaim de braises semblable à un feu d'artifice, porté par les volutes ascendantes d'air chaud.

Une procession mène ensuite, à la lueur des lanternes, à une construction qui semble être la salle commune du village, dotée d'une magnifique charpente en bois. Une danse commence au son de chants a capella exercés par les danseurs eux-même. Un tonneau de saké est ouvert, non sans similitude avec l'image que l'on a des banquets d'Astérix. Une dame nous en amène plusieurs verres. Le breuvage est succulent, fruité avec un léger goût de poire, de loin le meilleur que l'on ait bu. (Ceci dit, KDur n'aime toujours pas ça…) On discute avec plusieurs personnes. Toujours les mêmes questions : d'où venez-vous ? Et, semble-t-il, toujours le même étonnement vis-à-vis de ces occidentaux un peu fous venus assister à leur fête de village, qui leur annoncent même que suite à cela ils passeront la nuit dehors en attendant le bus du matin.

On n'arrête pas de nous apporter du saké. La dame qui nous a apporté les premiers verres doit être quelqu'un d'important car certains se courbent fort bas devant elle lorsqu'elle donne congé de sa personne. Nous faisons connaissance avec une fille nommée Midori, qui est là avec sa jeune sœur.

Plus tard dans la soirée, lorsque nous envisageons de dormir à la belle étoile, réapparaît Midori, qui nous transmet l'invitation de sa mère pour la nuit. Après quelques hésitations, car nous sommes quand même gênés, nous acceptons. Là commence l'épisode le plus fantastique du voyage. Sous l'effet de quelques verres de saké, je croyais par moments rêver tellement tout cela était improbable. Nous arrivons dans une grande maison au décor plein de bibelots colorés, parfaitement accueillant et un peu kitsch. On nous présente l'autre sœur de Midori (à peu près son âge) et son petit frère (une dizaine d'années), ainsi que sa mère et d'autres personnes présentes en la demeure. On nous fait asseoir, puis on nous propose à boire. Je demande humblement de l'eau. Voilà qu'en plus de cela, on nous apporte jus de pamplemousse et bières, ainsi que des grappes de raisin. On nous propose de dîner, et nous expliquons que nous avons déjà mangé à la fête (boulettes de riz, pommes de terre, biscuits frais). Pourtant, commence la valse des plats, de l'excellente cuisine japonaise que nous avons du mal à finir.

Après le repas, vers minuit, Midori, ses sœurs et son frère nous proposent d'allumer des feux d'artifice. Nous allons donc tous dehors pour un moment assez rare et précieux, où les différences culturelles sont totalement gommées l'espace d'un instant par le désir de s'amuser, par la fascination universelle face à un feu d'artifice, par les rires qui sont les mêmes et éclatent aux mêmes moments.

Après cela, nous allons nous coucher : on nous a installé quatre futons dans une grande pièce.

Le lendemain matin, comme si tout cela n'était pas assez, nous attend un petit déjeuner copieux à l'extrême. Après moult remerciements et photos, nous attrapons notre bus, accompagnés par Midori qui doit aussi aller à Kyōto.

En descendant sous le soleil du matin de ce petit coin de montagne où l'on nous a traités comme des rois, j'emporte l'impression d'un très beau rêve, tellement improbable, et pourtant…

Que reste-t-il de beau à vivre, après cela ?

Le matin même, nous nous sommes promenés dans les jardins du palais impérial, définitivement conquis par le Japon.

Pourtant, une autre expérience extrême nous attendait le jour même.

Ayant faim malgré le petit déjeuner bien fourni, nous entrons dans un restaurant de soba. Les circonstances ont fait que nous nous y sommes installés plutôt que de partir en courant, ce que tout être humain normalement constitué aurait fait sans attendre en voyant le décor. Une vieille dame rabougrie prend notre commande : des yakisoba. Les soba sont des nouilles que nous pensions avoir en soupe, mais les yakisoba se font sauter sur une plaque chauffante. La dame allume le gaz directement sous notre table (le restaurant comptant deux tables en tout et pour tout) puis découvre des pots de sauce posés dessus : ils sont luisants de gras poussiéreux et leur rouille s'effrite dans leur contenu. Y trempent des pinceaux immondes et poisseux vieux comme le restaurant. La plaque chauffante, presque toute la superficie de la table, est grasse et poussiéreuse, et semble avoir été creusée et noircie par cent ans d'utilisation. Le reste de la salle semble n'avoir pas bougé depuis les années cinquante. On dirait un restaurant désaffecté dont nous serions les premiers clients depuis des dizaines d'années. La patronne est un fantôme. Un réfrigérateur vieux comme le monde et jauni par le temps soutient un ventilateur qui fut sans doute, en son temps, un prototype militaire soviétique.

Après une longue attente (on est en nage par ce temps tropical, dans ce local non climatisé où le gaz est allumé sous notre table depuis une bonne demi-heure) arrivent quatre assiettes de choses froides (soja, nouilles, espèce d'omelette, trucs, tout ayant le même arrière-goût vieillot). Ainsi que des verres d'eau, sales, où flottent des impuretés. On étale sur la plaque ce qui ressemble à du cambouis avec les pinceaux dégueulasses. Je mange quelques nouilles, un peu de soja, un minuscule bout d'omelette, et je ne touche pas à l'eau. D'ailleurs, je n'ai plus faim. Les autres, plus confiants, mangent tout. KDur finit même mon assiette. Amateurs d'eXistenZ ou d'Alien, établissement recommandé.

* saké
Vin de riz qui, contrairement à ce que l'on croit généralement, ne titre qu'entre 15 et 17 degrés d'alcool. (L'alcool fort fait à base de riz porte un nom différent.)
Lancers de flambeaux
Lancers de flambeaux
Volutes étincelantes
Volutes étincelantes
Restaurant d'épouvante
Restaurant d'épouvante
22h55.

Après-midi tranquille sans programme, ça fait du bien. Même après une bonne douche, nous restons tous crevés des jours précédents, par manque de sommeil et usure physique due à la marche. Donc on est parti plus ou moins au hasard dans Kyōto avec des buts assez futiles, prétextes à une ballade tranquille (acheter une carte téléphonique, trouver un cybercafé, cette dernière tâche étant tout compte fait un grand challenge au Japon). Pause goûter chez un glacier. (Il fait toujours chaud et humide à Kyōto.) Promenade dans des rues commerçantes. Visites de magasins, quelques achats. Dîner léger avec vue sur la rivière ; pour la première fois depuis le début du séjour, on mange à une table basse sur des tatamis. Pas moyen de trouver une position confortable (KDur se croyait le moins souple, mais après un concours d'étirements de retour à l'auberge, j'emporte haut la main la palme de la rigidité).

Petite promenade puis retour au ryōkan. Wololo et Kris sont en train de faire les comptes de ce que chacun doit aux autres (on note toutes les dépenses communes sur le carnet où j'écris ce journal de bord). Sans calculette. Je vais retourner les soutenir moralement.

Mercredi 27 août, 9h52. Shinkansen Kyōto-Tōkyō.

Hier, nous avons vu ce qui justifie le mieux un séjour à Kyōto : ses temples, parmi les plus beaux du Japon. Si le très fameux « chemin de la philosophie » m'a déçu, les temples Ginkaku-ji (pavillon d'argent) et Kinkaku-ji (pavillon d'or) sont de pures merveilles entourées de jardins superbes.

Le soir, on est allé dans un minuscule bar plutôt sympa, le Moon Walk, puis dans une salle de jeux où Wololo et KDur ont fait durer une demi-heure une partie de DDR, sans arriver à la cheville (que dis-je, à la semelle) des deux japonais que l'on avait vu la veille. (On était reparti non seulement ébahi d'admiration, mais aussi avec la conviction que dans la liste des nombreuses particularités japonaises inaccessibles au reste du monde, on pouvait faire figurer le fait d'enchaîner 150 combos en mode difficile au DDR, et de repartir comme si de rien n'était sans échanger un mot avec la personne avec qui l'on vient de jouer, qui par ailleurs a fait aussi bien, chacun s'en allant de son côté sans regarder l'autre. Humilité totale.)

En cette dernière journée au Japon, le Hikari Shinkansen nous emmène à Tōkyō, où notre programme est de retourner sur des lieux précédemment repérés pour y acheter souvenirs et cadeaux. Arrivée prévue à 12h33 sous un soleil radieux, après la pluie d'hier.

Statues dans un temple
Statues dans un temple
Ginkaku-ji : le pavillon d'argent
Ginkaku-ji : le pavillon d'argent
Jeudi 28 août, 6h31 (heure française). Boeing 747-400 du vol LH711 Tōkyō-Frankfurt.

Hier après-midi, nous sommes allés chacun de notre côté acheter des souvenirs. Clichés indispensables (éventails…) près du temple Senso-ji à Asakusa, walkmans détaxés à prix imbattables à Akihabara « Electric Town ». Articles de japanimation et manga dans le même quartier. On s'est retrouvé vers 19 heures à l'hôtel. Ambiance dortoir : lits superposés et chambre partagée avec d'autres clients, le tout sans fenêtres, au sous-sol. Un des occupants, Gaymar, est américain et cherche du boulot au Japon. On retourne avec lui au bar GASPANIC où on était allé la semaine précédente. Définitivement une bonne adresse.

Ce matin, lever à 5 heures. Notre avion a décollé à 9h50 (heure du Japon), il y a quatre heures de cela. Les hôtesses (et stewards) sont allemandes et japonaises, et parlent aussi anglais et français. C'est la première fois que je parle ces quatre langues en cinq minutes (ça tombe bien, je n'en connais pas d'autres). Je finis par les mélanger dans la même phrase.

Mes compagnons de voyage regrettent un peu de devoir revenir en France. Moi pas. Bien sûr, j'aurais aimé découvrir beaucoup plus de choses, visiter d'autres régions (en particulier Hokkaido), mais ces onze jours ont déjà été tellement remplis qu'ils m'ont paru durer un mois. Nous avons vu une densité incroyable de choses, et c'est comme un excellent et copieux repas : il arrive un moment où vient la satiété et où l'on a besoin de prendre un peu le temps de tout digérer. Pour ce voyage, cela revient à repenser à tout ce que l'on a vu et vécu, à le méditer, à le faire se fixer dans notre mémoire à long terme avant que trop de choses vues ne nous fassent immédiatement oublier ce que l'on n'a pas eu le temps d'assimiler. Ce serait tellement dommage. Une chose est sûre : ce carnet m'aidera à me souvenir, car même si je n'ai pas tout noté, la lecture d'événements-clés réveillera le souvenir de journées entières, d'odeurs, de saveurs, de lumières et de silhouettes : gens, arbres, temples, montagnes, gratte-ciels…

La seconde raison pour laquelle je ne suis pas mécontent de rentrer est le besoin de repos après le cumul de fatigue et de tension que représente la conduite d'un tel voyage. Tout s'est très bien passé, et c'est un immense soulagement, car il y avait souvent, en particulier lors des déplacements, le soucis d'avoir à faire face à un contre-temps (titre de transport oublié ou perdu, impossibilité de se trouver au jour prévu à un hôtel déjà réservé… sachant que j'étais plus ou moins responsable de ces aspects du voyage). Cela dit, la plus grande part de fatigue provient du fait qu'afin de voir un maximum de choses, nous avons peu dormi et beaucoup marché. Sans regret !

Quand je repense à ce séjour, je n'ai pas (encore ?) l'impression de regarder en arrière, mais plutôt de considérer quelque chose qui se serait ajouté à ma vie.

Ce furent sans aucun doute les onze jours les plus extraordinaires de ma vie. Ou, au sens littéral : les plus fantastiques.

Mais la fatigue me gagne et le voyage n'est pas tout à fait terminé.

Comme il y a douze jours, nous survolons la Russie, à seulement dix kilomètres de territoires, de villes et de gens probablement tout aussi formidables que ceux que nous avons pu voir au Japon, et qui nous voient en ce moment comme un petit point dans leur ciel. Et l'envie soudaine de leur rendre visite un jour…

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